Afrique: plus de connectivité pour booster son économie du numérique?





Imaginez que vous vivez loin de tout, dans un village perdu sur une île isolée du lac Victoria – le plus grand d’Afrique. Imaginez que vous avez besoin de médicaments pour vous soigner mais que l’acheminement de ce traitement jusqu’à vous nécessite de nombreuses heures et n’est pas toujours possible. Que faites-vous? Attendre? Inutile, un drone autonome pourrait vous livrer le traitement en quarante minutes et repartir en emportant vos prélèvements pour les analyser rapidement. Vous pensez que c’est de la science-fiction, et bien non, Zipline, une start-up prometteuse, opère déjà ce système au Rwanda.
Imaginez à présent que vous êtes l’habitant d’un village de l’Est marocain, que vous souhaitez commander un produit depuis l’écran de votre salon, alimenté par l’énergie solaire, régler la facture depuis votre téléphone mobile et récupérer votre livraison déposée devant votre porte sous 24h... Un rêve? Non, grâce aux nouvelles technologies – et plus particulièrement à l’intelligence artificielle – cela sera bientôt possible.
L’Afrique serait-elle donc en train de récupérer petit à petit son retard dans l’innovation high-tech? Certainement. Mais à sa manière. Et à son rythme.
En effet, ce continent se différencie des autres régions du monde par la façon dont il s’accapare et exploite les nouvelles technologies. Sur le sol africain, la révolution numérique n’est pas tant caractérisée par la Tech sur laquelle elle s’appuie que par l’utilité des solutions qu’elle développe. Pour Jean-Philippe Duval, associé responsable des activités de conseil en Afrique francophone chez PwC, “la technologie ouvre de nouveaux marchés, survole les frontières, crée de l’emploi, enrichit l’offre de choix, accélère les processus d’achat et de vente, apporte de la transparence, casse les habituelles politiques de prix et raccourcit les délais d’attente. Ici comme partout ailleurs sur la planète, le high-tech révolutionne les modes de vie des populations locales“. Réussir sa transformation digitale, c’est se faire une place dans l’économie de demain!
Les opérateurs téléphoniques et acteurs économiques conçoivent le développement de leur réseau en prenant en compte la question de la rentabilité à court ou moyen terme ainsi que le potentiel de développement économique de chaque région. Le système actuel est basé sur la capacité à rembourser des clients. Cependant, le volume d’investissements à réaliser dans certaines zones peut s’avérer trop important pour qu’ils envisagent la rentabilité ou la possibilité d’un déploiement, même dans le cas de partage de coûts d’infrastructures entre plusieurs opérateurs.
En effet, la question de la connectivité entraîne dans son sillage de nombreuses problématiques connexes comme la sécurité, l’énergie, l’infrastructure routière… Ce qui amène parfois les opérateurs à renoncer à se développer dans les zones offrant peu ou pas de retour sur investissement à long terme.
Face à cette situation, d’autres solutions doivent être envisagées. L’Afrique manque de fonds publics-privés pour enclencher sa révolution numérique. Mais bonne nouvelle: persuadés du fort potentiel que représente ce vaste marché dans le secteur du digital, depuis plusieurs mois, des investisseurs étrangers de taille ont déclaré vouloir miser gros sur ce continent: les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
Facebook, Google et les autres géants du numérique n’ont plus de doute: l’époque où ils évoluaient dans un environnement échappant à toute réglementation sera bientôt révolue en Occident. De fait, les pays émergents d’Afrique sont devenus pour ces entreprises des marchés cibles, car moins matures. “Ils y ont le champ libre“, indique Bacely Yoroby, développeur ivoirien et fondateur du premier réseau Google à Abidjan. Jean-Philippe Duval, commente: “les entreprises du Web le savent: en 2050, un quart de la population mondiale vivra sur ce continent. Bâtir dès à présent des bases solides avec les décideurs de ce marché gigantesque, c’est miser sur le futur. Dans un continent où beaucoup reste à construire, il est donc logique que les GAFAM y avancent leurs pions. Les réglementations mises en place sont plus souples, la main d’œuvre est moins chère et la concurrence est moins rude que dans le reste du monde“.
À ce jour, si Amazon, le numéro un mondial des ventes en ligne, en est encore au stade de l’observation, et qu’Apple reste pour le moment un peu en retrait, Microsoft est d’ores et déjà incontournable sur le terrain institutionnel: il fournit sa technologie, notamment bureautique, à la quasi-totalité des gouvernements. Simultanément, Facebook et Alphabet – la maison-mère de Google – rivalisent d’incroyables initiatives pour convaincre les décideurs locaux de collaborer avec eux. Ce que les économies africaines ne peuvent pas s’offrir, les GAFAM le leur donnent, telle pourrait être la conclusion de l’opération séduction mise en place par les géants du high-tech… Une dynamique qui convainc certains experts et qui en horrifie d’autres qui dénoncent la manière d’opérer de ces multinationales tentaculaires: exploiter les ressources locales en mettant en place un système qui attire la valeur ajoutée vers leurs propres économies.
1/ Le smartphone à l’heure des innovations invisibles
67% des utilisateurs de téléphones mobiles en Afrique déclarent être susceptibles d’acheter un smartphone dans les 12 prochains mois. La connectivité (75%), l’autonomie (67%) et la mémoire interne de l’appareil (65%) sont les fonctionnalités qui motivent le plus le choix pour l’achat d’un smartphone.
D’ici 2020, le nombre d’utilisateurs de smartphones devrait quasiment doubler : 660 millions d’africains (contre 336 millions en 2016) devraient ainsi être équipés d’un smartphone, cela représentera un taux de pénétration de près de 55%, et près d’un demi-milliard d’accès Internet se fera alors via smartphone.
2/ Un usage excessif des smartphones
En 2023, les utilisateurs interagiront 65 fois par jour en moyenne avec leur smartphone, comparativement à 50 fois en 2017 dans le monde. La fréquence d’utilisation des smartphones augmente donc, mais de plus en plus d’individus se posent la question de leur consommation excessive. Ils s’inquiètent de la nuisance de leur smartphone lors de certaines activités comme la conduite, la marche, les discussions, le sommeil et le temps passé avec la famille et les amis. 45% des adultes et 65% des 18-24 ans dans le monde estiment ainsi qu’ils interagissent trop avec leur téléphone, et plus de la moitié tentent d’en diminuer leur utilisation.
Avec la croissance de l’adoption du smartphone (37% de la population en 2017), de plus en en plus d’individus se posent la question de leur consommation excessive. 80% d’entre eux l’utilisent plus d’une heure par jour, ils sont donc 48%, dont 63% des plus de 50 ans, à se considérer comme dépendants à leur smartphone.
Pour limiter le recours à leur smartphone, les usagers choisissent de désactiver l’Internet mobile (59%) ou les notifications (34%), tandis que d’autres préfèrent le garder dans leur sac ou leur poche (27%).
3/ La réalité augmentée aux frontières du réel
La réalité augmentée permet de superposer une image numérique à une image réelle. La technologie existe depuis plusieurs décennies, mais elle n’est devenue accessible au grand public que depuis peu. En Afrique, son utilisation la plus répandue se fait à travers des applications de filtres selfies. Ainsi, 63% des possesseurs de smartphones ont déjà utilisé des filtres selfies de réalité augmentée, les utilisateurs les plus fréquents étant pour les 3/4 âgés entre 18 et 34 ans. « L’émergence d’application de réalité augmentée sur le continent africain reste encore balbutiante mais il existe quelques cas concrets. Nous pouvons citer la First National Bank qui a développé une application de réalité augmentée qui indique la distance vers les agences, les contacts et les heures d’ouverture. Ou encore la maison d’édition Afrika Publishers en Afrique du Sud qui a lancé une application de réalité augmentée qui enrichit les livres des lycéens avec du contenu audiovisuel. » constate Karim Koundi, Associé responsable du secteur des technologies, médias et télécommunications
4/ Le machine learning gagne du terrain
En Afrique, les nouvelles technologies liées au machine learning et a l’intelligence artificielle en général font leur apparition dans le secteur de la santé pour faciliter l’accès aux soins de santé de base dans les pays en développement. Elles permettent par exemple grâce à des photos prises par smartphone d’identifier les marqueurs biologiques d’un cancer de la bouche ou d’effectuer des tests de la vue et de dépister des maladies oculaires. Le smartphone devient donc un outil d’aide au dépistage à part entière.
En outre, les entreprises utilisent l’intelligence artificielle aussi pour détecter des intrusions de sécurité (44%), pour résoudre des problèmes technologiques (41%) ou pour évaluer la conformité interne (34%).
5/ Le “live” s’épanouit dans un monde numérique
Les diffusions et événements « live » prennent de l’ampleur dans les habitudes de consommation grâce et malgré l’impact du digital. Ils généreront plus de 545 milliards de dollars US de chiffres d’affaires en 2018, dont 72% proviendront de la télévision et de la radio. Les concerts, spectacles, conférences, événements sportifs, cinéma devraient quant à eux générer 146 milliards de dollars US en 2018.
45% des utilisateurs africains connectés utilisent Internet pour suivre des événements en direct, principalement sportifs. Néanmoins, seuls 25% sont prêts à dépenser plus de 20$ par an pour regarder des diffusions en direct.
6/ Le streaming musical et la presse numérique en pleine ébullition
Les consommateurs sont de plus en plus disposés à payer pour du contenu : fin 2018, un adulte sur deux dans le monde possédera au moins deux abonnements digitaux payants, et en 2020, 50% des adultes en auront au moins quatre. Plus de 680 millions de souscriptions à des abonnements numériques sont attendues d’ici à 2020 dans le monde, principalement portées par la SVOD et la musique ; les plus gros consommateurs dépenseront jusqu’à 1 200 dollars US par an en abonnements en ligne.
Les principaux médias en ligne auxquels les africains sont susceptibles de s’abonner sont les journaux (58%), les vidéos à la demande (39%) et la musique (35%). Le développement des médias digitaux est donc en plein essor en Afrique, principalement dans le streaming musical, avec le renforcement du positionnement de leaders mondiaux et le développement de startups africaines.
7/ L’Internet sans fil s’invite à domicile
De plus en plus d’habitations sont connectées à Internet via un réseau mobile cellulaire. En effet, 20% des 18-24 ans utilisent uniquement leur connexion mobile pour accéder à Internet depuis chez eux. Il s’agit principalement de personnes issues de milieux ruraux, aux revenus moyens faibles. Ceci est permis par la performance des réseaux mobiles, une plus large couverture géographique de la 4G et des forfaits mobiles offrant plus de data. Cependant, si, en 2018, 1 foyer sur 5 aux Etats-Unis et 3 foyers sur 10 au Brésil se connectent à Internet via un réseau mobile cellulaire, c’est seulement le cas pour 1 foyer sur 10 en Europe.
En 2018, 75% des foyers africains connectés à Internet le seront via les technologies mobiles. En effet, la couverture géographique de la 3G et la 4G est plus grande et moins couteuse que la couverture Internet filaire. Les opérateurs et les équipementiers télécommunications se prêtent au jeu en mettant à disposition de la population une variété de forfaits Internet et d’appareils adaptés à l’Internet mobile résidentiel, comme des mini box Internet ou des clés Internet à des coûts de plus en plus accessibles.
8/ Les prémices de la connectivité dans les avions
2018 a annoncé les prémices de la connectivité à bord des avions en Afrique. En effet, Air Côte d’Ivoire a lancé son premier vol proposant le Wifi-à-bord et des nombreuses compagnies africaines ont commandé des avions équipés de cette technologie. 36% des sondés sont prêts à payer plus de 20$ pour accéder au Wifi dans l’avion, c’est le premier service souhaité (46%), devant la possibilité d’avoir un siège plus confortable (38%).
Pour accéder à l’intégralité de l’étude Deloitte sur l’évolutions en Afrique des usages, de consommation et de marché dans le secteur des technologies, médias et télécommunications